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Empire des signes
« L'Empire des signes »</strong /></strong />
Que ce soit avec Mythologies, suite d'analyses sarcastiques de quelques représentations de l'idéologie petite-bourgeoise (faits divers, photos, articles de presse...) ou avec Le Degré zéro de l'écriture, « histoire du langage littéraire qui ne [serait] ni l'histoire de la langue, ni celle des styles, mais seulement l'histoire des Signes de la Littérature », l'œuvre de Barthes se propose d'emblée comme une critique de la signification. Signification</personname /> et non pas « sens » ; non pas les systèmes arbitraires de communication, les langages par lesquels les hommes codifient les rapports entre le monde et eux ou entre eux-mêmes, mais les systèmes annexes, seconds, par lesquels, à travers les langages, ils émettent indirectement des valeurs. Dans une pièce de Racine, le mot « flamme » veut dire amour ; c'est aussi un simple signe permettant de reconnaître l'univers de la tragédie classique. Un bifteck-frites a des qualités spécifiques ; c'est aussi le symbole d'une certaine francité. Bref, tout objet de discours, outre son message direct, sa dénotation, sa référence au réel, peut recevoir des « connotations » suffisantes pour entrer dans le domaine de la signification, dans le champ des valeurs. Tout peut devenir signe, tout peut être mythe.
Pourquoi donc une critique du mythe (et plus globalement du signe, de la signification) ? D'abord parce que celui-ci est parasite : forme sans contenu, il ne crée pas de langages, mais les vole, les détourne, les exploite à son profit pour, en un métalangage, faire parler obliquement les choses. Ensuite parce qu'il est frauduleux : masquant les traces de sa fabrication, l'historicité de sa production, il se donne hypocritement comme allant de soi ; c'est l'Opinion publique, l'Esprit majoritaire, le Consensus petit-bourgeois, la Voix du Naturel, la Violence du Préjugé. Enfin parce qu'il est pullulant : il y a trop de signes et trop de signes exagérés, bouffis, malades ; la signification pléthorique non seulement prolifère mais encore en rajoute, jusqu'à l'écœurement et la nausée. Combien</personname />, dit Barthes, dans une journée, de champs véritablement insignifiants parcourons-nous ? Bien peu, parfois aucun. Que l'on songe à la surcharge agressive des affiches, des slogans, des images publicitaires, des gros titres. Barthes rêve du degré zéro de l'écriture (écriture de Blanchot, de Robbe-Grillet, de L'Étranger de Camus), des interprétations sobres d'un Lipatti, des photos dépouillées d'Agnès Varda, de matériaux mats et frais, comme le bois...
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