• Autour de Maurice Blanchot

    Nous devons aussi admettre que la littérature, actuellement du moins encore, constitue non seulement une expérience propre, mais une expérience fondamentale, mettant tout en cause, y compris elle-même, y compris la dialectique (...) l'art est contestation infinie. Maurice Blanchot

    Le neutre – Espace de questionnement
    Si l'on peut considérer cet espace comme un lieu vide, déshumanisé, placé sous le signe du désastre, il est aussi, et ce, sans exclure le premier mouvement, un lieu dégagé de toute nécessité (autre qu'elle-même). Un espace subversif, car affranchi de toute contrainte (morale, sociale...), de toute norme, de tout référent (idéologique, philosophique, psychologique)... Un lieu de questionnement radical. C'est le neutre de Blanchot, le "il" de Kafka qui questionnent à chaque page l'espace de parole.
    Maurice Blanchot et le neutre : On n'échappe pas au spectacle du bonheur. (Le ressassement éternel, p.9, Éd. de Minuit, 1983)

    Qu'arrive-t-il lorsqu'on a trop longtemps vécu dans les livres ? On oublie le premier et le dernier mot. (Le ressassement éternel, p.68, Éd. de Minuit, 1983)

    L'élève écoute le maître avec docilité. Il reçoit de lui des leçons et il l'aime. Il fait des progrès. Mais, si un jour il voit que ce maître est Dieu, il le bafoue et ne sait plus rien. (Le ressassement éternel, p.72, Éd. de Minuit, 1983)

    Avant l'oeuvre, oeuvre d'art, oeuvre d'écriture, oeuvre de parole, il n'y a pas d'artiste, ni d'écrivain, ni de sujet parlant, puisque c'est la production qui produit le producteur, le faisant naître ou apparaître en le prouvant. (Après coup, p.85, Éd. de Minuit, 1983)

    Du " ne pas encore " au " ne plus ", tel serait le parcours de ce qu'on nomme l'écrivain, non seulement son temps toujours suspendu, mais ce qui le fait être par un devenir d'interruption. (Après coup, p.86, Éd. de Minuit, 1983)

    [...] si l'imaginaire risque un jour de devenir réel, c'est qu'il a lui-même ses limites assez strictes et qu'il prévoit facilement le pire parce que celui-ci est toujours le plus simple qui se répète toujours. (Après coup, p.96, Éd. de Minuit, 1983)

    Maurice Blanchot nous invite dans ses oeuvres à partager le risque d'expérimenter la densité autant que la précarité de cet espace orphique, point de tension extrême, qu'il désigne sous la terminologie du neutre. (Le neutre renvoie à ce qui n'est ni l'un, ni l'autre (ne-uter). Il est le maintien, dans l'écriture et dans un mouvement en même temps destructeur et fondateur, de l'affirmation et de la négation dans un rapport qui n'est pas celui du conflit ou du dépassement, mais de la cohabitation. l'espace littéraire est ce lieu « Autre » d'avènement du neutre). On peut considérer cet espace comme un lieu vide, déshumanisé, placé sous le signe du désastre. Un espace subversif, affranchi de toute contrainte (morale, sociale...), de toute norme, de tout référent (idéologique, philosophique, psychologique). Un lieu de questionnement radical. (Maurice Blanchot considère l'écriture du neutre comme L'Ecriture du désastre, dans le cadre d'une problématisation qui n'est toutefois pas à confondre avec une remise en cause de cet espace, considéré tout à coup comme inexistant ou "faux". Il s'agit pour Blanchot d'expérimenter le "tarissement structurel" de la puissance évocatrice du neutre. Lieu dans le même temps de la création et espace tautologique, qui ne conduit qu'à la production d'une parole, reliquat de toute communication, indifférente à tout hors d'elle-même. Expérimentation qui marque tant la ruine de l'espoir « d'œuvre » pour l'écrivain et ce sans pour autant qu'il cesse d'écrire, toujours en quête de « l'oeuvre parfaite », exhaustive, Le Livre à venir, que la ruine de l'homme, réduit à l'état de conscience sans devenir, sans pour autant qu'il cesse de rechercher, les conditions propres de sa réalisation).


  • Commentaires

    1
    PERRIN
    Mercredi 4 Mai 2011 à 12:36
    neutre
    Vous écrivez : "en même temps destructeur et fondateur" ce qui est un oxymore "de cohabitation" et non une proposition neutre du "ni destructeur ni fondateur" donc une virtualité qui précéderait le choix de l'un ou de l'autre. Blanchot a choisi la voie du désastre...
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