• Anorexie-corps. Corps du mot affaibli de silence...

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  • Déchirant la ressemblance, Francis Bacon renvoie Michel Leiris à sa propre logique du sang. La peinture de Bacon aux formes exsangues, aux pieds des crucifixions, figures mythologiques dégradées par l'épanchement des intérieurs, le cri, la bouche, le renversement, la sexualité-seringue, les chairs-lavabos, "photo" toujours truquée, déformée, décalage du mythe, enfance louche. Le mythe surtout. "Si on en trouvait un de valable" ne cessait de répéter Bacon, "ça pourrait être utile", incessant retour aux abattoirs. "J'ai toujours été touché par les images relatives aux abattoirs et à la viande" confiait Bacon. Peinture-abattoir qui abat l'arbre souffrance, le peuplement rouge de nos existences défrichées par le malheur.

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  • Sonatine, c'est l'histoire d'un homme aveugle qui, arrivé à l'âge de la retraite, se met à voir ; cela étant bien entendu à prendre au sens figuré. Scorsese dix ans plus tôt avec son immense Raging Bull avait déjà traité ce thème. Mais ici, le simple fait que l'homme en question soit un yakuza et que le conteur se nomme Takeshi Kitano suffit à changer d'univers. Visages inexpressifs, violence ultra sèche et dialogues occasionnels ponctuent ce long métrage. Le style de Takeshi Kitano s'exécute ici dans sa forme la plus pure. En ce qui concerne la thématique, Sonatine reste le point de convergence de tous les éléments « types » de son œuvre. Retombée en enfance, récurrence du bord de mer, règlements de compte sanglants entre gangsters impassibles.

    Lorsque Kitano se glisse « au derrière » de la caméra il filme son époque, la société japonaise comme personne : les images sont comme figées, mortes, les personnages se contentent d'être là, pâles figures du neutre. Chez Kitano,  la violence est une provocation. Il se contente de poser sa caméra devant quelques hommes immobiles, le bras tendu, en train de vider leur chargeur sans broncher sur le groupe d'en face. Force est de constater que le procédé donne au film une dimension « autre ».

    Une séquence. Séquence dite de « la roulette russe ». Ce sourire fou, lorsque le canon est apposé à la tempe et que le doigt taquine la gâchette, renferme en lui-même tout le drame du personnage. Dès cet instant, le héros prend conscience de la démesure, celle de son métier en premier lieu, et par élargissement, celle des valeurs héritées d'un mode de vie devenu mécanique, immoral, inhumain. Au terme de ce passage clé, appuyé par la vision d'un terrifiant cauchemar prémonitoire, on comprend que cette histoire n'aura pas d'autre issue que la tragédie. L'humour</personname />, la légèreté et les jeux puérils au bord de la mer. Kitano</personname /> introduit la comédie de manière magistrale, en glissant dès le départ une scène de jeu horrible qui trouve un retentissement percutant lors de la seconde vision du film. Le héros et ses collègues assistent à la lente exécution d'un pauvre gérant de magasin qui leur a désobéi. L'homme est suspendu au bout d'une grue positionnée au bord de l'eau, ce qui permet aux spectateurs muets de profiter d'une vue imprenable sur sa noyade progressive. les visages restent de glace, on n'y lit pas l'ombre d'une quelconque forme d'amusement. Ce passage précis, placé aux côtés des multiples scènes de « freesbie » et autres tournoi de sumos, c'est le jour et la nuit qui conjuguent leurs violences. A la fois drôles et émouvantes les scènes de plage où les « caïds » retrouvent ensemble les joies de l'innocence enfantine s'inscrivent toutes sous le signe de l'anthologie. A découvrir ou re-découvrir.

    Mais aussi News (entre ombre et lumière au blogroll) précise :
    "Sonatine, mélodie mortelle" a très largement été inspiré par la "Guerre des Gangs à Okiniwa" réalisé en 1971 par Fukasaku. Outre la trame sensiblement identique [un chef de gang téméraire déchu et trahi par son Boss est banni de la métropole et s'exile sur Okinawa en compagnie de ses lieutenants], outre la brutalité des scènes de "gunfight" ou de castagne [Okinawa est le berceau du karate et du nunchaku], ou même la frappante ressemblance entre le chef de gang... Ce qui par dessus tout ne laisse aucun doute quant à l'inspiration de Kitano par Fukasuku, c'est la chanson en dialecte d'Okinawa, acommpagnée au shamisen [un instrument de musique traditionnel à cordes] qui est présente tout au long des deux films. Plutôt qu'un plagiat, il s'agit vraisemblement d'un hommage que Kitano rend à Fukusaku : la première expérience de Takeshi en tant que réalisateur est dû au désistement in extremis de Kinji Fukusaku sur le film "Violent Cop". La dérision d'une scène dîte sérieuse ou tragique est une constante dans l'oeuvre de Kitano.


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  • Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs.

    Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.

    Assez connu. Les arrêts de la vie. Rumeurs et visions.

    Départ dans l'affection et le bruit neufs.

    Arthur Rimbaud - Départ


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  • (Œuvre de Cexhib à découvrir ou re-découvrir tirée de la Galerie « Nuire à la forme », tableau DSCNI755) Site de Cexhib en lien dans le blogroll

    Cette oeuvre dans ses trois appellations possibles, mais non figées, qui pourraient avoir de tout autres dénominations, nomme ainsi la diversité, la différence, l'impossible communauté, éponymes de Trio, S.M.A,  TRI-SMA

    Cette oeuvre est extraite d'un  triptyque, dont elle est le panneau central. Un terrain de « jeu » pour 3 hommes, relation triangulaire dans un monde cube-cage. Chaque ligne explore la tension de cette relation, ce ballet circulaire, affinités multiples, Théâtres pluriels de leurs envies, théâtres-désirs.

    Au commencement, la rotation, Rotation-corps, triptyque-corps. La peinture multiplie son angoisse. Angoisse du corps, inquiétude du désir qui le sous-tend. Inquiétude et angoisse entendus comme moteurs, réactions. Le désir parcourt l'œuvre et l'anime, donne vie au mouvement. Oscillation-cœur, centre où vient et revient notre regard se brûler, incendier sa vue d'un voir décharné. La chair comme langage, langage souffle, langage cri. La peinture invente un langage de relations, de signes, comme dans le théâtre d'Artaud elle élève des cris-souffles, plus exactement elle élève les couleurs et les lignes à l'état de langage. Attitudes, postures, évocations dressent une sensualité, une sensation. Peinture immédiatement sensible, qu'on voudrait toucher, entendre hurler, qu'on voudrait flairer pour y découvrir l'odeur des corps chavirés, des étreintes prolongées. Présence fouet, comme un « coup de fouet » la peinture nous frappe pour nous faire sortir, au lieu de nous faire sombrer. Taches-couleur, appositions optiques pour délocaliser, déterritorialiser le corps de sa « cage-corps » et lui rendre sa totale et pleine liberté d'expression. Expression mode, expression graduée d'une sensation renouvelée, recommencée. Jets de peintures par endroits, coups de pinceaux-ratures pour mettre en place la rotation, le mouvement d'une horloge que le désir aliène, pour égrener l'espace-temps du chaos de nos existences révélées. Révélation des corps à une nudité plus dévoilée, plus intime, révélation des corps-sujets au verbe désir... Nuire à la forme tel est l'excellent titre de cette série d'œuvres, pour reconstruire un corps-désir.


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